J'ai parle le langage d'un homme libre; celui de la verite. Voyant qu'il est tres difficile de t'approcher et que l'interet de la Republique en souffrait, je demandais a la Societe si tu avais repondu a la lettre qu'elle t'avait ecrite, et, enfin, si tu avais calme me inquietudes sur la stuation de nos armees dans la Vendee. J'appris que ton secretaire avait repondu mais que nous etions sans esperance de pouvoir te parler. Etonne de cela, je proposais de t'encrire a nouveau pour t'engager a nous repondre comme frere et en vrai Jacobin. J'ajoutais, avec ma franchise ordinaire, que si tu ne nous repondais pas nous ne pourrions plus te regarder comme un de nos membres.
Je demandais alors a CARRIER le nom de celui, ou de ceux, qui osaient calomnier pres de lui un patriote tel que moi qui, loin d'avoir eu l'intention d'avilir un Representant Montagnard, les ai toujours defendus avec ce courage et ce feu republicain qui m'animent contre les Federalistes et les Moderes. Je lui observais qu'il etait mon accusateur et que si je m'etais rendu couplable les tribunaux me jugeraient.
CARRIER, en colere, me repliqua en jurant:
"Mais, Monsieur, vous avez prentendu que je devais vous rendre compte de ma conduite en cette ville et de ma correspondance avec les generaux."
"Le fait est faux, ai-je repondu. J'ai dit que les brigands devaient etre detruits; j'ai dit que la maladie t'empechait d'avoir l'ceil sur les generaux qui paraissaient vouloir prolonger cette guerre pour leurs propres interets; que nous avions des denociations contre eux; qu'il fallait en enstruire nos frers les Jacobins de PARIS et la CONVENTION, et, en vrais republicains, dire toute la verite."
"Vous etes", dit CARRIER, "un tas de b..., de Contre-revolutionnaires payes par PITT, puisque vous cherchez a me dononcer et a demander un autre Representant a la CONVENTION."
"Nous n'avons pas demande ton rappel, lui dis-je, mais j'ai appuye la motion faite de demander un autre Representant pour t'aider. Nous avions une denociation a te faire, par ecrit et signee, contre HAXO, General de brigade."
CARRIER se calma et nous entrames en conversation plus paisible. Elle dura environ un quart d'heure. Je lui demandais alors ce qu'il voulait faire de moi. Il repondit qu'il lui etait douloureaux de punir un homme qu'on lui annoncait comme patriote, mais qu'il fallait etre prudent."
CARRIER, repliquais-je, "Je te dirais toujours la verite et sois persuade que jamais je ne demeriterais de la Patrie, et qu'aucun etre ne peut m'avoir a sa solde."